Grandir en humanité, en puissance de vie, en spiritualité

, par  Florence , popularité : 56%

Le temps de crise chronique (matérialiste, financière, sociale, culturelle, identitaire, de civilisation, envers la nature) que nous traversons manifeste à la fois des ruptures de liens nourriciers (à soi-même, aux autres, à la nature) et des attentes fortes d’une vie spirituelle libre / libérée ; une appropriation d’héritages revisités et adaptés à notre temps, qui permette de renouer, de retisser les liens nécessaires à l’être l’humain, à son évolution, son accomplissement.

Le symbolique et le vivre ensemble :

« La pensée symbolique [à l’œuvre dans les mythes, les contes, les fables] relie l’intime et l’universel sans intrusion dans l’intimité de l’enfant [ou de l’adulte]... En conséquence, l’empathie ou la compassion est possible pour lui sans se perdre dans l’autre. » Philippe Meirieu (lors de la rencontre Citéphilo du 14 novembre 2015 intitulée « quel avenir pour l’école ? »)

Et encore Philippe Meirieu, à la même occasion : « ...Non pas vivre ensemble, mais faire ensemble... Vivre ensemble, on peut le faire en étant lobotomisés, sous la coupe d’un gourou ou dans l’indifférence... ».

La spiritualité et la fraternité :

« Le spirituel est ce qui nous fait croître intérieurement. » Patrick Viveret

« On ne naît pas fraternel, on le devient. L’être humain conquiert son humanité par l’humanité des autres.
L’amour n’est pas un sentiment, c’est une loi de la vie : plus je donne, plus je reçois. (...) C’est aussi la leçon du Phédon de Platon : jamais la vie n’est vaincue par la mort. » Abdennour Bidar

« Pour vivre une fraternité, il faut apprendre à compter au moins jusqu’à trois... sortir des logiques binaires, des logiques de guerre. » Patrick Viveret

« La fraternité est la grande absente des débats... Le politique invite à rassembler, mais rassembler autour de quoi ? Si nous réussissons à fabriquer du commun, alors on évitera beaucoup d’autres morts. Sinon, le risque encouru est celui de la tranquillité sociale dans un État sécuritaire, liberticide. » Abdennour Bidar

Lorsque dans une forêt, un arbre est malade, nous le soignons, mais nous pouvons aussi nous demander pourquoi la maladie arrive dans cette forêt. A. Bidar

« Quel humain remettre au centre ? C’est une question pour l’humain lui-même... Il y a de nombreux dégâts collatéraux à la difficulté des hommes d’accepter de vivre leur condition. » P. Viveret

« Les forces vives de l’humain consistent dans ses liens à l’humanité et à la nature... [Le problème est qu’il est trop souvent] devenu un tout autosuffisant coupé de son intériorité et superficiel... Notre centre, ce sont ces forces vives... » Patrick Viveret (lors de la rencontre Citéphilo du 19 novembre 2015 intitulée « la fraternité en questions » en compagnie d’Abdennour Bidar)

Enregistrement vidéo de la rencontre ici (durée 1h52) :
http://live3.univ-lille3.fr/video-culture/citephilo-la-fraternite-en-questions.html

Quelle vie spirituelle pour notre temps ?

Compte-rendu de la conférence donnée par Abdennour Bidar le 21 mai 2016 dans la métropole lilloise, disponible ci-dessous — avec son aimable autorisation.

(Le prénom Abdennour signifie : « serviteur de la lumière ».)
Membre de l’Observatoire de la Laïcité, il a notamment écrit Comment sortir de la religion ? en 2012 et Lettre ouverte au monde musulman en 2015.

1.SPIRITUALITÉ :

Cherchons une définition de la spiritualité qui soit partageable par tous. Le spirituel est ce qui éveille ou élève, ouvre notre conscience, nous appelle, nous traverse, nous transcende.
Nous sommes dans le spirituel quand on est transporté ou traversé par ce qui nous dépasse. Le spirituel est un élan de transformation intérieure, issu de la découverte qu’en soi-même, il existe quelque chose qui nous dépasse et nous amène à nous dépasser.
Le spirituel a un effet d’accomplissement et de transformation de soi à la fois.
Abdennour Bīdar est de tradition soufie, dans laquelle il s’agit de se souvenir, de se remémorer, méditer, se concentrer, pour atteindre l’éveil.
Le spirituel nous permet de faire l’expérience d’une présence (que les musulmans appellent « Allah », les chrétiens « Dieu », les agnostiques et les athées « l’Être »).

Mohamed IQBAL (philosophe musulman indien, originaire de l’actuel Pakistan, sur qui A. BIDAR a fait sa thèse de doctorat et plus tard écrit) explique que le Coran donne le nom « Allah » comme terme (au sens de fin) d’un processus d’humanisation.
Nous ne partons pas de rien, nous sommes des héritiers : il s’agit d’apprendre de ces héritages (et non de d’abord inventer à partir de soi et de son ego).

2. NOTRE TEMPS :

Il s’agit de définir une sagesse appropriée au moment humain que nous traversons. Une sagesse spirituelle qui comporte de l’éternel et du particulier à la fois. Quel kairos vivons-nous (Aristote) ? Quelle heure est-il dans l’histoire de l’humanité ? Nous sommes en temps de « crise » chronique, matérialiste, financière, sociale, culturelle, identitaire, de civilisation.
A l’égard de la nature aussi, depuis le XIXème siècle, avec l’invention de la chimie lourde, l’être humain a une attitude toxique, destructive envers la nature ; et aujourd’hui, il commet de véritables holocaustes envers les animaux.

3. QUELLE VIE SPIRITUELLE POUR NOTRE TEMPS ?

Il n’existe pas de véritable spiritualité « hors sol » : dans les mosquées, les temples, les églises, et pas ailleurs.
La société invite toujours à l’extériorité (acheter des biens matériels, faire des activités), mais l’être humain est comparable à un arbre : enraciné et s’élevant vers le ciel.
L’homme est en crise des liens nourriciers à la nature, aux autres, à soi.

a) Crise des liens nourriciers à soi, des liens entre le moi social et le moi profond :

La connaissance de soi, la richesse intérieure (Platon définit la philosophie comme dialogue de l’âme avec elle-même), la « mise en culture » de soi, où et quand pouvoir lui donner une place sociale ?
Une spiritualité pour notre temps doit nous permettre de retrouver une culture de l’intériorité.

b) Crise des liens nourriciers aux autres :

Au XVIIème siècle, avec l’idée que « l’homme est un loup pour l’homme », Thomas Hobbes donne naissance à une anthropologie vicieuse... Alors que c’est par les autres que nous devenons humains, d’abord par l’éducation et par l’école.
Ce sont les liens aux autres qui donnent conscience de soi et confiance en l’avenir.

c) Crise des liens nourriciers à la nature :

La valeur du lien à la nature est spirituelle. Réapprenons à la regarder, à la connaître, à s’émerveiller, à la contempler ; par la méditation profonde sur sa sagesse, sur sa puissance, sur l’essence de la nature, qui alterne cycles de mort et de renaissance.
Entourés d’objets fabriqués morts, nous nous percevons / nous devenons plus mortels.

La vie spirituelle est la vie reliée. C’est grâce à ces liens que la vie devient spirituelle.
La jeune génération manifeste un grand besoin spirituel ET ne veut pas être enfermée. Les jeunes souhaitent la possibilité d’être libres ensemble ; hors frontières, hors cloisonnements.
Le spirituel déborde : qu’il soit partagé avec les autres et concerne tous les domaines de la vie ; que vie sacrée et vie quotidienne soient liées.

Il s’agit de trouver des liens qui font grandir, des liens qui libèrent (comme le nom de la maison d’édition des ouvrages d’A. Bidar).

LES RÉPONSES AUX QUESTIONS :

 Puisque c’est une spiritualité libre qui est voulue (sur le plan mondial, telle une marée, une vague), elle relève du choix : il y a et il y aura de tout (syncrétismes, particularismes, tendances à l’universalité). A. Bidar s’oppose aux dénigrements qui font référence à un « supermarché des spiritualités », mais trouve les différentes tentatives existantes profondément respectables et les encourage. Il est profondément respectable de faire l’effort de laisser tomber, de se défaire du prêt à penser, du prêt à porter religieux, etc.

 Il invite à prendre conscience de ce que nous faisons quand nous pensons. Pour sa part, il fait comme l’oiseau qui plonge dans la mer pour aller chercher sa nourriture ; en remontant, il met pour ainsi dire tout sur la table et ensuite seulement, il se sert de sa raison pour y mettre de l’ordre, pour nommer et penser ce qu’il a recueilli. Autrement dit, ce sont toutes les facultés humaines qui coopèrent, qui s’unifient dans la pensée et la vie spirituelle : la raison, l’imagination, les tendances mystiques en nous, les émotions et les sentiments, la faculté symbolique (notamment le symbole de soi comme source pour lui), l’esprit.

 Toutes les grandes sagesses font référence à la RESPONSABILITÉ.

 Aujourd’hui (et suite à « la mort de Dieu » qu’évoque Nietzsche), des horizons spirituels s’ouvrent qui étaient impensables auparavant... Une autre mondialisation.

Il termine en invitant à devenir des tisserands, qui retissent le tissu déchiré du monde.

Si vous souhaitez participer à l’appel lancé par Abdennour Bidar le 16 février 2017 : "Amis entends-tu le frisson de nos âmes qui s’éveillent ?"
http://www.huffingtonpost.fr/abdennour-bidar/coming-out-spirituel/

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