Quelles conditions faut-il réunir pour que ces ateliers portent leurs fruits ?
Si ces ateliers devenaient analogues à des « carnavals d’opinions », ils ne seraient pas philosophiques, mais une juxtaposition (voire un chaos) de préjugés.

Vous l’avez compris : il ne s’agit pas d’accumuler des avis, ou des « idées toutes faites », qui se présentent d’ailleurs plutôt comme des croyances que comme des idées, mais bien d’être animé par le désir et l’exigence du vrai...toujours à chercher.

Philosopher, chercher la sagesse (la vérité, la liberté et le bonheur réunis) suppose une position initiale de modestie : si chacun partait du fait qu’il sait et restait « accroché » à son prétendu savoir, à ses représentations premières, l’atelier prendrait rapidement la forme d’une « guerre d’opinions » — ce que dénonçait Socrate-Platon dès la naissance de la philosophie.

Il s’agit bien plutôt d’instaurer une communauté de recherche : par nature, les questions philosophiques ne trouvent pas de réponses définitives !
Comment ? Par la pose d’un cadre qui va permettre aux enfants de « mettre en route » leurs pensées.

Les règles du cadre sont rappelées rituellement lors de chaque atelier :
1-penser-chercher-réfléchir, « pour de vrai »
2-écouter celui qui parle,
3-ne pas rire ou se moquer de la pensée de l’autre : on a le droit de ne pas être d’accord, mais il s’agit de le dire,
4-argumenter son point de vue, dire pourquoi on pense ceci ou cela,
5-on a le droit de se taire, mais alors on prive les autres de ses pensées.

Il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse (hormis, évidemment, celles qui se situeraient hors sujet).

L’adulte se tient en retrait, en éveilleur, suspend son propre jugement : il n’intervient pas sur le contenu, accueille l’inattendu ; son rôle consiste essentiellement à veiller au respect du cadre, à reformuler et synthétiser les paroles des apprentis philosophes, éventuellement à recentrer la recherche, ainsi qu’à les amener le plus loin possible dans leur cheminement vers le vrai.