« Musiquer » : écouter, chanter, danser, jouer

, par  Florence , popularité : 61%

Partout où il y a de l’humain, il y a de la musique.
Beaucoup de peuples ne séparent pas musique et danse, musique et chant, musique et paroles... Faisons de même ici !

Avant même de comprendre le sens des paroles prononcées autour de lui, l’enfant n’est-il pas d’abord sensible à la musicalité de nos phrases ? Ses babillages, imitant les « musiques » entendues, en paraissent bien le signe.

Plus généralement, jetons un peu de lumière sur la musique (au sens le plus large possible, incluant le chant et la danse), sur cet art à la fois le plus abstrait et qui a le plus d’effets concrets... Ce qu’elle est, ce qu’elle nous fait, ce qu’elle « dit », ce qu’elle représente.

Très souvent, quand on a cherché à théoriser la musique, on s’est retrouvé très éloigné de l’expérience musicale...
Diverses réflexions sont énoncées ci-dessous, qui tentent d’éviter cet écueil.

« Sans rien pouvoir nommer, elle parvient à nous parler et sans figurer aucune chose, elle réussit si bien à représenter. »
« Par les images, nous fixons les choses, nous savons ce qu’elles sont...Dans un monde uniquement constitué de choses, il n’y a pas de temps...
Par la musique, nous comprenons les relations entre les événements, nous savons pourquoi... Nous imaginons un monde idéal fait d’événements purs, sans choses. »
Francis Wolff, Pourquoi la musique ? édition Fayard, 2015.

Le mot « harmonie » est d’abord d’ordre musical.

La beauté de la musique est-elle dans les choses ou en nous ?

« Pourquoi ce besoin de danser ? Est-ce une simple recherche de liberté, de griserie, de fête et, parfois, de transgression ? Ne faut-il pas y voir plutôt un retour à des formes primitives, la manifestation d’un désir de transe ? Et aussi l’expression d’une utopie, celle d’une société planétaire, organiquement fraternelle et festive ? »
France Schott-Billmann, Le besoin de danser

« La musique (...) ordonne et structure tout le déroulement des cérémonies rituelles, publiques ou privées (...). Aux yeux des adeptes, la musique est indispensable à l’établissement de liens entre le monde des humains et celui des divinités (...) Elle se situe au cœur d’un système qui met en action les représentations symboliques, spirituelles et religieuses de toute la communauté. »
Xavier Vatin, Rites et musiques de possession à Bahia, édition L’Harmattan, 2005.

« Chanter, c’est prier deux fois » écrivait Saint-Augustin, il y a longtemps. Aujourd’hui, Vincent Delecroix nous dit : « chanter, c’est jouir de l’existence ».
Au risque de « bousculer » certaines représentations : et si, contrairement aux apparences, ces deux affirmations n’étaient pas très éloignées l’une de l’autre ?...

Plus physiologiquement parlant, « chanter, c’est bon pour la mémoire et contre la douleur », d’après une étude de médecins-chercheurs du CHU de Saint-Étienne.

« Danser, c’est vivre comme l’arbre pousse, comme la rivière coule, comme souffle le vent, avec la même justesse, la même simplicité, la même droiture. » François Malkovski, créateur de la danse libre.

Bref ! Musique et philosophie ont de nombreux points communs : du point de vue de l’abstraction, de la concentration, de la recherche de l’être, de la conquête et l’expression d’une liberté, de la manifestation d’une joie d’exister.
Toutes deux sont des activités désintéressées, sont à elles-mêmes leur propre finalité.

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Pour aller plus loin :

A l’occasion d’une rencontre Citéphilo, le 20 novembre 2015, Francis Wolff, philosophe et professeur à l’ENS de Paris, est venu à l’auditorium du Palais des Beaux Arts de Lille présenter son ouvrage Pourquoi la musique ?, « fruit de la passion d’une vie et de quelques longues années de travail » :

« Lorsque j’étais enfant, j’apprenais « la théorie musicale » dans de petits manuels partagés en deux : le livret vert des questions et celui rouge des réponses. La première leçon de la première année était la suivante : « Qu’est-ce que la musique ? » ; et sur le livret rouge, il était écrit : « La musique est l’art des sons ». Quel ne fut pas mon éblouissement, à l’âge de huit ans, en découvrant cette définition. Je ne sais pas si ce fut mon entrée dans la « théorie musicale », mais je crois que ce fut mon entrée en philosophie. Il y avait dans cet énoncé tout le pouvoir magique des formules définitionnelles. Elle concentrait en quelques mots simples le mystère des choses impalpables. »

« Il y a des musiques à tout faire, de la musique pour tous usages : pour danser, pour se sentir ensemble, pour s’étourdir, pour se marier, pour accompagner les funérailles, pour communiquer avec les ancêtres, pour cueillir le coton, pour appeler le troupeau, pour souligner un moment de suspense (ou couvrir le bruit du projecteur), pour vendre des cosmétiques, pour apaiser les passagers de l’ascenseur, pour faire pleuvoir, pour arrêter la pluie, pour réveiller la nation, pour marcher au pas, pour aller à la guerre et pour célébrer la paix.
Une musique vous poursuit : elle vous peine, vous terrasse, vous désespère, vous exalte, vous enivre.
Une autre ne vous dit rien.
Il y a des musiques qui donnent envie de croire. Mais à quoi ?
Il y a celles qu’on écoute. Simplement. En silence.
Partout où il y a des hommes, il y a de la musique.
Pourquoi ? »

Par analogie avec les prisonniers aveugles de la Caverne de Platon, Francis Wolff commence par nous inviter à prendre la posture de leurs équivalents dans le monde sonore... Les différentes étapes de libération vers la réalité-vérité suivent.

Enregistrement de la rencontre (illustrations sonores à l’appui) ici (durée 1h45) :

https://soundcloud.com/citephilo/pourquoi-la-musique

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